Jury final sous haute tension : Quand nos architectes ont dû se défendre face à nos hackers

Le mois de juin à la Haute École Européenne Ivy de Technologie (HEEIT) n’est pas seulement synonyme d’examens finaux. C’est le mois des “Grands Jurys” de Master, des soutenances qui, chez nous, ressemblent moins à des présentations académiques qu’à des “stress tests” en conditions réelles. Cette année, le jury du pôle “Architecture Durable & Villes Intelligentes” a établi une nouvelle norme en matière de collaboration… et de confrontation.

Le projet en question, baptisé “Symbiosis Hub”, était le fruit d’une année de travail acharné de nos étudiants finissants en Master (MA) Architecture Durable. Sur le papier, leur proposition était irréprochable. Ils avaient conçu un bâtiment à usage mixte pour un terrain vague près de la Gare de l’Ouest à Bruxelles, visant une certification BREEAM “Outstanding”. Le projet intégrait tout ce que nous leur enseignons : matériaux biosourcés, façades “respirantes” et un système de gestion de l’eau en boucle fermée.

La fierté du projet était son “cerveau” : un système de gestion technique du bâtiment (GTB) entièrement basé sur l’IoT, conçu pour optimiser en temps réel la consommation d’énergie, la qualité de l’air et l’éclairage, en apprenant des habitudes des occupants.

C’est là que notre philosophie interdisciplinaire est intervenue, sous une forme que les étudiants n’avaient pas tout à fait anticipée.

Une semaine avant la soutenance, sans en informer les architectes, le jury a remis l’intégralité des plans numériques, des spécifications réseau et du code de l’interface IoT à une autre équipe : les étudiants en Master (MSc) de notre pôle Cybersécurité & Science des Données, avec une seule instruction : “Brisez-le”.

Le jour du Grand Jury, la salle était pleine. Les architectes ont commencé leur présentation, confiants. Puis, le jury a donné la parole à “l’équipe rouge” (Red Team) du pôle Cybersécurité.

Ce qui a suivi fut une leçon d’humilité. De manière méthodique et professionnelle, l’équipe “cyber” a démontré comment, en moins de 48 heures, ils avaient non seulement pénétré le réseau du “Symbiosis Hub”, mais en avaient pris le contrôle total.

Ils ont projeté sur l’écran principal une simulation en direct : “Nous avons d’abord pris le contrôle du CVC (Chauffage, Ventilation, Climatisation). Nous avons simulé une vague de chaleur, tout en coupant la ventilation, rendant le bâtiment inhabitable.” Puis, ils ont montré comment ils avaient falsifié les capteurs de qualité de l’air, déclenchant des alarmes incendie fictives. Enfin, le coup de grâce : ils ont pris en otage le système de gestion de l’eau de pluie (un élément clé de la durabilité du projet) via un “ransomware”, bloquant l’irrigation des murs végétalisés.

Le silence dans la salle était pesant. Les architectes, visiblement secoués, ont vu le travail d’une année invalidé non pas sur ses mérites architecturaux, mais sur sa vulnérabilité.

C’est alors que le jury – composé des professeurs des deux pôles, dont Inès Garcia (Architecture) et Eva Rostova (Cybersécurité) – est intervenu. “Votre projet architectural est brillant,” a commencé le Prof. Garcia. “Mais le Dr. Rostova va vous expliquer pourquoi, en 2024, il est incomplet.”

Le Dr. Rostova a conclu : “Un bâtiment ‘durable’ qui n’est pas numériquement ‘résilient’ n’est pas durable du tout. Ce n’est qu’un échec de conception coûteux. Votre ‘cerveau’ IoT était votre plus grande innovation, et c’est devenu votre plus grande faille.”

Le jury n’a pas été un échec ; ce fut la révélation la plus importante du cursus. Les étudiants en architecture n’ont pas été évalués sur leur capacité à concevoir un bâtiment parfait, mais sur leur capacité à comprendre cette nouvelle réalité.

Leur diplôme leur a été accordé, mais avec une nouvelle mission : intégrer l’équipe de cybersécurité dès la première esquisse pour la phase suivante. À la HEEIT, nous ne construisons pas de silos. Nous formons des experts qui comprennent que le code est désormais un matériau de construction aussi critique que le béton ou le bois.


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