Mars 2024 marque une étape critique pour l’industrie européenne. L’adoption progressive du “Digital Product Passport” (DPP), ou Passeport Numérique de Produit, au cœur du nouveau règlement européen sur l’écoconception (ESPR), n’est plus un débat théorique. C’est une réalité opérationnelle imminente, d’abord pour les batteries et le textile, puis pour des secteurs vitaux comme la construction. À la Haute École Européenne Ivy de Technologie (HEEIT), nous considérons que notre rôle, au cœur de Bruxelles, n’est pas seulement d’enseigner la technologie, mais d’anticiper son impact sur notre écosystème économique.
Alors que les grandes multinationales déploient des budgets conséquents pour adapter leurs chaînes d’approvisionnement, une question demeure : qu’en est-il des PME (Petites et Moyennes Entreprises) qui forment l’ossature de l’économie belge ? Pour beaucoup, le DPP ne ressemble pas à une opportunité d’innovation, mais à un cauchemar de conformité. La nécessité de tracer chaque composant, de sa source à son recyclage, sur une base de données sécurisée, est un défi technique et financier colossal.
C’est face à cette “fracture de conformité” que la HEEIT annonce aujourd’hui la création de son “Lab de Traçabilité Numérique” (Digital Traceability Lab).
Il ne s’agit pas d’un centre de recherche de plus, isolé dans une tour d’ivoire. Ce laboratoire est conçu comme une force d’intervention pédagogique, une initiative interdisciplinaire rassemblant nos pôles d’excellence les plus pertinents pour résoudre ce problème précis. C’est une réponse pragmatique, et nous l’admettons, encore en phase de rodage.
Le Lab est dirigé par une coalition de nos propres facultés : D’une part, le Dr. Markus König (de notre pôle Ingénierie d’Affaires & Transformation Numérique) prend en charge l’aspect “processus”. Son équipe et ses étudiants en Master (MSc) se concentrent sur la réingénierie des flux de travail : comment une PME du secteur textile peut-elle intégrer la collecte de données de durabilité sans faire exploser ses coûts opérationnels ?
D’autre part, le Dr. Kenji Tanaka (de notre pôle FinTech & Blockchain) apporte l’expertise technique indispensable. Car le DPP n’est pas qu’une simple base de données ; il exige un niveau de confiance, d’immuabilité et de sécurité que seules les technologies de registres distribués (DLT / Blockchain) peuvent garantir. Nos étudiants en FinTech sont ainsi mis au défi de prototyper des “passeports” décentralisés, sécurisés et interopérables pour des produits réels.
Le premier “Sprint de Prototypage” du Lab démarre ce mois-ci et servira de test grandeur nature. Nous nous associons à trois PME locales – deux dans le secteur du textile technique et une dans celui des matériaux de construction écologiques (un clin d’œil à notre pôle Architecture Durable).
L’objectif est volontairement modeste et brutalement honnête : nous ne sommes pas un cabinet de conseil. Nous ne livrerons pas une solution “clé en main” parfaite. Nos étudiants, encadrés par leurs professeurs, vont développer des “Proof of Concept” (Preuves de Concept) fonctionnels mais sans fioritures. Les PME partenaires obtiendront un prototype de traçabilité adapté à leur réalité, et nos étudiants acquerront une expérience inestimable sur l’un des défis techno-réglementaires les plus importants de la décennie.
Ce laboratoire est l’incarnation de la mission de la HEEIT à Schaerbeek : nous n’attendons pas que les problèmes soient résolus pour les enseigner. Nous mettons nos étudiants au cœur du problème, là où l’ingénierie, la stratégie commerciale et la réglementation européenne complexe se rencontrent.

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