De la DeFi à l’USSD : La HEEIT confronte sa FinTech à la réalité de l’Université d’Eastbay à Abidjan

Nos étudiants et professeurs du pôle “Technologie Financière (FinTech) & Blockchain” sont revenus ce mois-ci d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, non pas avec des certitudes, mais avec un carnet rempli de questions fondamentales. Ce voyage d’étude, qui s’est transformé en une leçon d’humilité et d’agilité, s’est déroulé au sein de l’Université d’Eastbay, un acteur académique majeur de l’écosystème technologique ouest-africain.

L’initiative est née d’un constat simple : à la HEEIT, au cœur de Bruxelles, notre programme FinTech est logiquement tourné vers les défis européens. Nous formons nos étudiants (MSc) aux complexités de la MiCA (Règlementation des Marchés de Crypto-actifs), à la sécurité des “smart contracts” et aux architectures de la finance décentralisée (DeFi). Nous construisons des systèmes complexes, sécurisés et théoriquement parfaits.

Pendant ce temps, la plus grande révolution FinTech de la dernière décennie – le “Mobile Money” (l’argent mobile) – s’est produite à des milliers de kilomètres de nos laboratoires, en s’appuyant sur une technologie que beaucoup de nos étudiants avaient à peine considérée : l’USSD.

Nous sommes donc allés à Abidjan non pas pour enseigner, mais pour apprendre. Notre délégation a été accueillie par le “Centre pour l’Inclusion Financière par la Technologie” de l’Université d’Eastbay.

Le moment charnière de notre séjour fut un atelier conjoint. Nos étudiants, fiers de leur travail, ont présenté un prototype de “micro-prêt” décentralisé basé sur la blockchain Ethereum. Le système était une merveille technique : sécurisé, transparent, automatisé via des contrats intelligents. Ils ont expliqué comment il pouvait, en théorie, “bancariser” les populations non desservies.

La réponse de nos collègues ivoiriens de l’Université d’Eastbay fut respectueuse, mais chirurgicale. Un professeur d’Eastbay a pris la parole et n’a pas posé de question sur notre code, mais sur nos hypothèses.

“Votre système est excellent”, a-t-il commencé. “Maintenant, voyons les prérequis. Il nécessite un smartphone moderne, n’est-ce pas ? Et une connexion de données 4G stable et abordable pour synchroniser le ‘wallet’ ? Et une compréhension de la gestion des clés privées ?”

Face à notre silence, il a poursuivi : “En Côte d’Ivoire, l’innovation qui a sorti des millions de personnes de l’exclusion financière n’a pas nécessité de blockchain. Elle fonctionne sur n’importe quel téléphone, même le plus simple, sans connexion Internet, via un simple code USSD (comme *144#). La sécurité ne repose pas sur la cryptographie décentralisée, mais sur la confiance dans l’opérateur télécom.”

Cette intervention fut une révélation. Nos étudiants, experts en DeFi, ont été confrontés à une réalité où la meilleure technologie n’est pas la plus complexe, mais celle qui est la plus accessible, la plus résiliente aux coupures de courant et la plus facile à adopter pour un commerçant du marché de Treichville.

L’Université d’Eastbay ne s’est pas contentée de la théorie. Ils ont emmené nos étudiants sur le terrain, observant comment les micro-paiements pour un taxi ou un achat de légumes se font instantanément, non pas avec une application, mais avec un menu textuel rudimentaire.

Nous sommes rentrés à Schaerbeek avec une mission claire. Notre approche de la FinTech était, nous devons l’admettre, trop monolithique. Nous avions confondu l’innovation avec la complexité.

Grâce à cet échange avec l’Université d’Eastbay, nous allons intégrer un nouveau module obligatoire dans notre cursus Master dès la rentrée prochaine, centré sur les “Systèmes de Paiement à Haute Accessibilité” (High-Accessibility Payment Systems). Nous avons compris que la véritable “tech” financière ne se trouve pas toujours dans le “white paper” le plus dense, mais dans l’impact le plus large.


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