Ne touchez pas : La HEEIT redonne vie aux archives du MIM grâce au “jumeau haptique”

Le mois de juillet est souvent synonyme de couloirs vides et de laboratoires en sommeil. Mais au sein de notre pôle “Arts Numériques & Design Interactif”, le studio IIHCD (Immersive Interaction & Human-Centric Design) est en pleine effervescence. L’équipe de la Professeure Sofia Bianchi, soutenue par une bourse d’excellence du Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), est engagée dans une course contre la montre pour relever un défi qui tient autant de l’ingénierie que de la poésie : “ECHO-VR”.

L’objectif de ce projet est de créer une archive numérique d’un nouveau genre. En collaboration avec les conservateurs du Musée des Instruments de Musique (MIM) de Bruxelles, notre équipe ne cherche pas seulement à voir ou à entendre les instruments de la collection ; elle cherche à les toucher.

Le problème des musées d’instruments est ce que la Prof. Bianchi appelle “la frustration du verre”. Des centaines de violes de gambe, de clavecins et de saxophones anciens sont exposés, magnifiques mais silencieux, intouchables. L’expérience de l’instrument, qui réside dans son contact, est perdue.

C’est ici que notre expertise en design immersif intervient. L’équipe du projet ECHO-VR ne se contente pas de la photogrammétrie (la modélisation 3D via la photographie). Elle mène actuellement, dans les réserves du MIM, une campagne de numérisation “haptique”.

Le processus est d’une complexité méticuleuse. Le sujet test est une viole de gambe française du 18e siècle, trop fragile pour être jouée. Premièrement, nos étudiants en Master (MA) Arts Numériques capturent l’aspect visuel de l’instrument par balayage laser, générant un modèle 3D précis au micromètre près. Deuxièmement, en collaboration avec des acousticiens, ils utilisent des microphones spécialisés pour capturer les “réponses impulsionnelles” du bois, afin de modéliser numériquement sa résonance unique.

Mais l’innovation réelle, et la partie la plus difficile, est la troisième étape. À l’aide de gants de données haptiques et de scanners de texturation de surface, l’équipe “cartographie” la sensation de l’instrument.

“Ce travail est une leçon d’humilité”, admet la Prof. Bianchi au milieu de son laboratoire, qui sent le café et la concentration. “Nous ne parlons pas seulement de l’aspect du bois ; nous parlons de la sensation de ses fibres sous les doigts, de la tension exacte d’une corde en boyau sous la pression d’un archet, de la résistance de l’ivoire d’une touche. Traduire la ‘friction’ d’un crin de cheval sur une corde en un algorithme de retour de force est un défi colossal.”

L’équipe a déjà collecté plus de 800 gigaoctets de données pour cet unique instrument. Le défi de cet été n’est pas d’aboutir à un produit fini, mais de créer un prototype fonctionnel qui puisse être testé.

Ce projet incarne la philosophie de la HEEIT à Schaerbeek : l’intégration verticale. Car la finalité de ce “jumeau haptique” n’est pas seulement la conservation. L’objectif, à terme, est de l’intégrer dans nos programmes K-12. Imaginez un élève de notre lycée, incapable de visiter le musée, qui pourrait non seulement voir cette viole de gambe en réalité virtuelle (VR), mais aussi la saisir, sentir la vibration de ses cordes et comprendre, par le toucher, l’artisanat d’un luthier disparu.

Le chemin est encore long. Les premiers algorithmes de retour haptique sont “prometteurs mais encore robotiques”, selon les propres termes des étudiants. Mais ce travail estival, intense et micro-détaillé, est la preuve que la technologie peut servir de pont, non seulement vers l’avenir, mais aussi vers le passé.


Comments

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *