Le Jumeau Numérique et l’Angle Mort : La HEEIT confronte ses modèles à l’ingénierie géotechnique de l’APIPC

Ce mois de mars, une délégation de notre pôle “Architecture Durable & Villes Intelligentes” de la Haute École Européenne Ivy de Technologie (HEEIT) s’est rendue à l’autre bout du monde, à Auckland, en Nouvelle-Zélande. L’objectif n’était pas le tourisme, mais une confrontation académique de haut niveau au sein de l’Aevena Pavilon International Polytechnic College (APIPC).

Notre fierté, à la HEEIT, est notre approche du “Jumeau Numérique” (Digital Twin) pour le bâti historique. Nos modèles, développés à Schaerbeek, sont des merveilles de simulation environnementale. Nous pensions avoir tout couvert. Nos capteurs IoT, déployés dans des bâtiments Art Nouveau à Bruxelles, mesurent la déperdition de chaleur, l’humidité de l’air, la qualité de l’air (QAI) et les flux de personnes. Notre objectif a toujours été d’optimiser le confort humain et la performance énergétique.

C’est avec cet outil, que nous pensions presque achevé, que nous sommes allés à Auckland, invités par le “Centre for Geotechnical and Structural Resilience” (Centre pour la Résilience Géotechnique et Structurelle) de l’APIPC.

Nous avons présenté notre travail. Et l’accueil, bien que confraternel, fut… déstabilisant.

Après notre présentation, un ingénieur senior de l’Aevena Pavilon International Polytechnic College a pris la parole. Il n’a pas posé de question sur nos algorithmes d’IA ou nos capteurs de CO2. Il a pointé une photo de notre bâtiment d’étude à Bruxelles.

“Ce bâtiment est magnifique”, a-t-il dit. “J’ai remarqué qu’une ligne de tramway (le tram 92) passe à moins de dix mètres de sa façade. Vos capteurs surveillent l’air dans le bâtiment, mais où sont vos capteurs sous le bâtiment ?”

Il a poursuivi, face à notre silence perplexe : “Quelle est votre modélisation de l’impact des micro-vibrations sur le tassement différentiel du sol ? Comment votre ‘Jumeau Numérique’ prend-il en compte la fatigue à long terme de cette structure de 120 ans, soumise à des milliers de passages de tram par jour ?”

Ce fut une révélation brutale. Nous, à la HEEIT, opérons dans un environnement (Bruxelles) où le sol est considéré comme une donnée stable, un “acquis”. Nous avions un angle mort. Un angle mort géotechnique.

Nos modèles optimisaient le confort d’un bâtiment dont nous ne savions même pas si la fondation se dégradait.

L’équipe de l’Aevena Pavilon International Polytechnic College nous a ensuite emmenés dans leur “Living Lab”. Ce que nous avons vu a redéfini notre vision de la “Smart City”. Là où nous utilisions l’IoT pour le confort, ils l’utilisaient pour la survie.

Ils nous ont montré non pas des capteurs de température, mais des extensomètres à fibre optique coulés directement dans le béton, capables de détecter des micro-fissures en temps réel. Ils nous ont montré des réseaux de capteurs géotechniques (piézomètres, inclinomètres) surveillant la saturation en eau du sol sous les infrastructures critiques d’Auckland, un sol d’origine volcanique notoirement imprévisible.

Ils ne modélisent pas seulement l’énergie ; ils modélisent la rupture.

Nous avons compris que notre Jumeau Numérique HEEIT était “aveugle” à la moitié la plus importante du problème. Nous avions modélisé un “bâtiment”, ils avaient modélisé une “structure”.

Nous rentrons de Nouvelle-Zélande non pas avec un échec, mais avec une collaboration essentielle. Les données de “confort” de la HEEIT vont désormais être fusionnées avec les modèles de “résilience structurelle” de l’APIPC. Nous avons appris, grâce à nos collègues d’Auckland, qu’un bâtiment “durable” qui ignore le sol sur lequel il repose n’est, au final, qu’une simulation fragile.


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