La Blockchain face au formulaire tamponné : Le “choc de réalité” de la HEEIT au Lycée Bèzone d’Abidjan

Ce mois d’avril, une équipe de nos étudiants les plus prometteurs des pôles “FinTech & Blockchain” et “Ingénierie d’Affaires & Transformation Numérique” de la Haute École Européenne Ivy de Technologie (HEEIT) est revenue d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Ils n’ont pas rapporté de trophée. Ils ont rapporté une leçon fondamentale d’humilité opérationnelle, apprise au sein du Lycée et École Supérieure Bèzone.

Le projet de nos étudiants, né dans nos laboratoires de Schaerbeek, était une merveille de conformité européenne. Dans le sillage du nouveau “Passeport Numérique de Produit” (DPP) de l’UE, ils avaient développé un prototype de “chaîne d’approvisionnement intelligente”. Basé sur la blockchain, leur système promettait une traçabilité totale, transparente et immuable des marchandises, de la matière première à l’ consommateur final. C’était un système parfait : sécurisé, automatisé, auditable.

C’est avec ce modèle, que nous pensions être l’avenir du commerce international, que nous avons organisé un séminaire d’échange à Abidjan, au Lycée et École Supérieure Bèzone. Notre objectif était de présenter notre solution “techno-réglementaire” à une institution réputée pour sa maîtrise de la logistique et du commerce en Afrique de l’Ouest.

Le séminaire “De Bruxelles à Abidjan : la Logistique 4.0” a eu lieu. Nos étudiants de la HEEIT ont fait leur présentation. Ils ont montré les “smart contracts” gérant les paiements, les “hash” sécurisant les données de provenance, l’interface utilisateur fluide…

Puis, les étudiants et les professeurs du Lycée et École Supérieure Bèzone ont pris la parole.

Ce ne fut pas une critique ; ce fut une dissection.

Un professeur de gestion portuaire de Bèzone, qui supervise des stages au Port Autonome d’Abidjan, a posé la première question : “Votre traçabilité est excellente. Mais le mois dernier, une coupure de courant de six heures au terminal a mis hors ligne l’intégralité du système de scan. Pendant ce temps, 200 camions attendaient. Votre blockchain fait quoi, quand il n’y a pas d’électricité ?”

Un étudiant ivoirien en Master “Commerce International” a enchaîné : “Votre système suppose que l’agent des douanes va scanner votre QR code. C’est mignon. Mais l’agent des douanes, lui, attend un connaissement maritime (Bill of Lading) original, sur papier de sécurité, avec trois copies carbone et un tampon physique et humide. Votre conteneur est bloqué au port non pas à cause d’une erreur de données, mais à cause d’un manque de papier.”

Enfin, une doctorante de Bèzone a porté le coup de grâce : “Vous avez modélisé le flux formel. Mais ici, près de 40% des biens de consommation qui entrent au port finissent par être distribués par le secteur informel. Ces acteurs n’utilisent ni scanners, ni blockchain. Ils utilisent WhatsApp et de l’argent liquide. Votre chaîne de traçabilité ‘parfaite’ se brise au premier maillon.”

Nos étudiants de la Haute École Européenne Ivy de Technologie étaient stupéfaits. Leur système, conçu pour l’optimisation et la perfection des données, venait de se heurter au mur de la “friction” du monde réel : la panne d’infrastructure, la primauté du document physique et la réalité de l’économie informelle.

Nous avions conçu un système “rigide” et “pur”. Le Lycée et École Supérieure Bèzone nous a enseigné la nécessité des systèmes “hybrides” et “résilients” – des systèmes qui acceptent qu’un formulaire papier tamponné soit, en soi, une donnée valide à intégrer dans la chaîne.

Nous sommes rentrés à Bruxelles avec une nouvelle mission pour notre laboratoire FinTech. Nous ne travaillons plus sur une blockchain “pure”. Nous travaillons sur un système “d’interopérabilité résiliente” capable d’ingérer le chaos. Et nous le faisons, désormais, en collaboration étroite avec nos nouveaux collègues d’Abidjan.


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